La note d’intention

L’idée de « Cruelle Annabelle » est née d’une vision, celle d’une femme aux yeux jaunes. Longtemps, je me suis imaginé ce que cette femme pourrait être et à quelle époque elle pourrait vivre. Ses contours se sont esquissés lentement dans mon esprit jusqu’à ce que je puisse la voir un jour en rêve dans le Paris du siècle dernier. La lune brillait, elle était accoudée à sa fenêtre et son visage respirait l’innocence la plus sincère.

L’univers était posé et il respirait le romantisme le plus profond, tel qu’on l’entendait au XIXème siècle.
Mais le romantisme s’épanouit dans la mélancolie et cherche l’évasion dans le rêve, le morbide et le sublime. Annabelle est devenue « cruelle » lorsque j’ai saisi son éternel duel intérieur, son innocence n’étant que la partie émergée d’une âme sombre et tourmentée.

En poète, j’ai ouvert la porte de sa pauvre mansarde et tout de suite j’ai su que j’étais amoureux de cette femme, de ses manières étranges et de ses yeux remplis d’ombres et de lumières. Je ne savais pas alors que je courais à ma propre perte et… à la folie. La fin se devait de traduire cela, l’ambivalence de ces personnages tiraillés entre l’Amour, la Mort, la raison et la passion. Pas de « happy-end » ni son contraire, une subtile combinaison des deux, car à ce stade, le romantisme à fait place au gothisme. Ses protagonistes ont abordé les perversités de l’âme humaine et ont franchi les bornes du permis… Sans sourciller.

« Cruelle Annabelle », un titre qui évoque le double visage de l’héroïne et fait écho à la structure de l’histoire basée sur la symétrie. L’introduction et l’épilogue s’articulent autour du pivot central constitué par la demande en mariage de Gabriel. Le jour habite la première partie et la nuit la deuxième.  Le rouge et le noir s’opposent et se superposent tout au long de l’histoire à travers la rose noire et le sang, de même que l’Amour et la Mort lorsque Gabriel sort Annabelle de son sommeil par un baiser et qu’elle fait de même pour lui ôter la vie.

« Cruelle Annabelle » est un conte gothique dont le modèle le plus enviable serait le film d’Alfred Hitchcock, « Rebecca ». L’image utilisera les codes visuels inscrits dans le genre. Le grain de l’image sera prononcé, il la « salira » afin de la sortir de la mouvance actuelle. Les couleurs seront désaturées, à la limite du noir et blanc, et seuls les éléments les plus symboliques de l’histoire, les roses, le sang et les yeux flamboyants, conserveront une intense couleur rouge. Les quelques nuances de couleurs restantes évoqueront l’avancement de la journée durant l’histoire. En effet, la première moitié de l’histoire se déroule alors que le soleil décline en projetant une lumière de plus en plus orangée symbolisant le rapprochement entre les deux personnages. La deuxième partie commence lorsque le soleil se couche derrière l’horizon, faisant pénétrer peu à peu la lumière froide de la lune dans la pièce. La lumière jouera le rôle d’un troisième personnage et se matérialisera à l’image par des halos de poussières flottant dans la pièce.
Longtemps, Annabelle a hanté mon esprit, se confinant dans l’illogisme de mon hémisphère droit. Elle a pris tant de formes, de chemins et de choix, que tout a fini par se superposer au sein d’une trame purement émotionnelle dont le coeur serait une rose. Quelques épines ont subsisté sous forme de fulgurances cauchemardesques, je n’y ai pas touché, je les ai laissées…

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